SweetMelancholya
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Purement professionnel

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Message  FairyMadness Ven 9 Mar - 18:45

Purement professionnel
L'homme attendait. Il était assis droit sur le dossier de sa chaise. Ses poings joints reposaient sur la table en face de lui. Il était habillé assez simplement, mais sa carrure, qui était la seule chose remarquable chez lui avec son bracelet argenté, lui permettait d’être pris au sérieux quel que soit la situation. Il attendait, fixant la porte d'entrée de la salle, impassible, sans s'occuper de la grande baie vitré sur sa droite. Enfin, la porte s'ouvrit.
« Enfin. Je vous attendais. Vous me faites venir en précipitation et voilà que vous me faites attendre. »
L'homme qui venait d'entrer était plus petit que son interlocuteur, mais aussi plus épais (même si cette épaisseur était plus due aux fast-food qu'aux salles de sport). Il était en uniforme de travail. Il était difficile de dire si c'était l'uniforme ou si la personne avait l'air ridicule de nature. Ses lunettes, sa tâche de vin envahissant la moitié de la mâchoire et son début de calvitie ne l'aidaient effectivement pas vraiment.
« Oui... vous savez... la paperasse... 
-Bref, de quoi voulez-vous me parler ? », répondit le plus grand, irrité.
L'homme à la tâche de vin arriva à pas rapide vers le bureau et y posa maladroitement un dossier, laissant dépasser quelques feuilles.
L'homme le plus grand fit délicatement glisser le dossier devant lui, le parcouru rapidement puis dit calmement :
« Ah, vous vouliez me parler de ces clients.
-Oui... ces clients... »
Tâche-de-vin était resté debout. Il n'y avait pas de chaise pour lui.
« Et donc... ?
-Et bien, quel lien avez-vous avec ces personnes ?
-Plus aucun à présent.
-Et avant ?
-Autant de lien qu'on puisse avoir de fournisseur à client. 
-Et encore avant ?
-Je ne les avais jamais rencontré. C'est pour ce genre de question que vous m'avez fait venir ici ? »
Tâche-de-vin réfléchissait à la question qu'il allait posé. Il savait que s'il posait la mauvaise, il n'y aurait pas de deuxième chance.
« Quelle... enfin en quoi consiste précisément les activités de votre entreprise ? 
-Vous n'allez pas me dire que vous ne pouvez pas trouver ces informations sur internet...
-Je préfère vous le demander directement.
-Notre entreprise est extrêmement simple. Lorsqu'une personne est au bout du rouleau, elle nous appelle et nous lui proposons des solutions pour régler son ou ses problèmes, encourager les dépressifs par exemple...
-C'est un genre de coaching donc...
-...si vous voulez.
-Mais pourquoi donc faire rencontrer des clients entre eux ?
-Certains ont des problèmes complémentaires. En effet, deux personnes souffrant de solitude peuvent se rencontrer afin de régler mutuellement leurs problèmes.
-Je vois... »
Tâche-de-vin se pencha légèrement pour faire glisser rapidement le dossier vers lui. Le dossier arriva trop rapidement et tomba par terre, faisant voler quelques photographies. Il poussa un juron et chercha maladroitement ce qu'il voulait trouver. Quand enfin il obtint ce qu'il voulait, il brandit fièrement les deux clichés tant convoité, avant de les rabattre violemment contre la table du plat de la main, comme pour écraser une mouche qui la narguait depuis des heures. L'homme en face de lui appuya doucement le bout de ses doigts sur les photos et les tira délicatement vers lui. Il les mit ensuite l'une à coté de l'autre dans sa direction. L'un des clichés représentait une belle jeune femme blonde d'une vingtaine d'année aux yeux bleus souriant de toutes ses dents à l’appareil. Le deuxième montrait un homme barbu d'une cinquantaine d'année avec une immatriculation qu'il tenait devant lui. Derrière se trouvait les lignes de mesures pour les prisonniers.
« Vous les connaissez n'est-ce pas ?
-Absolument, elle s'appelait Kathy Calice, une dépressive ayant déjà fait une tentative de suicide. Lui, Brad Genson, trouble de la personnalité antisocial... un psychopathe si vous préférez, rajouta-t-il devant la mine dépité de Tâche-de-vin, qui avait des pulsions meurtrières fréquentes.
-Pourquoi avoir fait rencontrer ces personnes entre elles ? »
L'homme leva un sourcil comme si on venait de lui demander pourquoi il respirait.
« Ça me paraît évident. Cette jeune femme était une dépressive qui a suivis une bonne dizaine de traitements et de psychothérapies sans succès. Elle menaçait constamment de se suicider et elle allait le faire. Lui était un psychopathe qu'on a relâché de l'asile alors même qu'il était clair qu'il n'était pas guéris. Nous avons réellement tout essayé pour ces deux personnes mais rien n'y faisait. Elle voulait mourir et lui avait un désir inébranlable de tuer et n'aurait pas hésité à tuer la première personne qui lui serait tombé sous la main si des mesures n'avaient pas été prises.
-C'est pour ça que vous les avez se faire rencontrer ?, demanda le policier en lançant une troisième photographie sur la table, pour qu'ils règlent mutuellement leur problème ? »
Le cliché montrait la Kathy Calice crucifié au mur. Des intestins sortaient de son ventre béant et étaient cloués au mur afin de former des ailes de papillon.
« Savez-vous ce que symbolise le papillon ?
-Non.
-Il symbolise le changement. Grâce à nous, cette personne ne fera plus disparaître de personne chère à quelqu'un ou encore des personnes qui aiment la vie. Nous lui avons appris à aider les gens en utilisant son handicap.
-Pourquoi ne pas avoir fait rencontrer deux psychopathes afin qu'ils règlent mutuellement leurs problèmes? »
L'homme poussa un très très long soupir. Décidément, l'autre ne comprenait rien.
« Pourquoi les médecins de l'asile l'ont libéré à votre avis ?
-Parce qu'ils le pensaient guéris ?
-Non, parce qu'ils ne savent pas les guérir. Tout simplement parce qu'on ne peut pas guérir un homme de ce qu'il est vraiment. Tout comme les alcooliques. Vous connaissez le pourcentage de gens qui, après leur « guérison », rechutent ? Avez-vous déjà vu un ancien drogué qui sort de cure ? On dirait qu'il porte tout le poids du monde sur lui. Et c'est vrai. Il supporte le monde qui le rejette tel qu'il est réellement. Des drogués, des tueurs, des antisociaux... mais il n'y a pas qu'eux. Les timides, les anxieux, les dépressifs, les solitaires... tous sont rejetés par la société. Ils doivent alors se transformer pour se plier à elle Mais les gens ne changent jamais complètement. Ils souffrent de ce qu'ils sont. Ou plutôt de ce qu'ils devraient être mais ne peuvent pas. Ceux qui viennent frapper à notre porte refusent de changer. Ce que nous leur permettons. Kathy ne voulait pas vivre. Ses proches ne comprenaient pas. Ils rejetaient cette partie de sa personnalité et la surprotégeaient. Elle ne restait que pour les autres et subissait la vie pour eux. Elle n'avait pas le courage d'en finir car cela aurait provoqué la chute de ses proches. Leur défaite. Elle ne voulaient pas qu'ils subissent la même chose qu'elle. Elle était attentionnée n'est-ce pas ? Mais là, ses proches ne sont pas devenus dépressifs. Car la haine envers le meurtrier de leur fille empêche tout sentiment de tristesse profonde. De leur point de vue, il ont parfaitement remplis leur rôle. Ils n'ont jamais échoué. Brad, quant à lui, a pus se libérer momentanément de ses pulsions tout en empêchant à une personne heureuse de mourir inutilement. Tout le monde y trouve son compte. »
Tâche-de-vin ouvrait bêtement la bouche et ses yeux écarquillés agrandis par ses lunettes donnait à son visage une certaine ressemblance avec un poisson rouge. Il secoua la tête comme un personnage de cartoon, se pencha pour ramasser le dossier qui gisait par terre. Il étala les photographies sur la table en hurlant :
« ET ELLE ELLE ETAIT QUOI ? ET LUI ? ET LUI ? ET LUI... »
Et il continuait à hurler en gesticulant. La porte s'ouvrit en grand et deux autres policiers en uniforme rentrèrent rapidement dans la salle et agrippèrent leur collègue comme deux infirmiers un fou en pleine crise. Il soulevèrent Tâche-de-vin par les épaules tandis qu'il agitait les jambes en hurlant. Il faut dire que son fils était un dépressif qui avait eu affaire avec son entreprise. Il n'était pas très impartial. L'homme se tourna vers la vitre teinté à sa droite et dit :
« Vous pouvez me libérer maintenant ? J'ai juste fait rencontrer des personnes entres elles, je n'ai rien fait d'interdit par la loi. »
Il savait qu'ils ne répondraient pas mais ils devront le libérer d'une minute à l'autre de toute manière. Il n'avait aucune responsabilité directe avec les « règlements de situation mutuels ».
Tout était purement professionnel.
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